Par Antoine Gubanski, Laura Salez, Christophe Rodriguez et Jean-Benoit Lafond*
Les Contrats de Performance Energétique (CPE) enregistrent en France une forte progression depuis 2013 grâce à l’évolution des règles de la commande publique proposant différents véhicules juridiques et contractuels. Le marché des CPE est donc relativement naissant en France. Le Marché Public Global de Performance (MPGP) ayant pour objet de réaliser des travaux d’efficacité énergétique est la forme dominante aujourd’hui.
1. Contexte du marché des CPE en France
Les enjeux portent régulièrement sur un périmètre d’engagement énergétique restreint aux usages concernés par la Réglementation Thermique Française (Chauffage, Eau chaude sanitaire, Climatisation, Eclairage et auxiliaires de ventilation) excluant de facto certains équipements électriques spécifiques (parc informatique, etc.) alors que ces derniers contribuent à la facture énergétique. Ces périmètres spécifiques soulèvent donc régulièrement des enjeux associés à la documentation de la référence sur le périmètre électrique.
Les Maitres d’Ouvrage parviennent rarement à instrumenter leur site avant de lancer la procédure du CPE afin de bien documenter la situation de référence et le protocole IPMVP laisse la possibilité de réaliser des modèles statistiques à postériori aux travaux « post ante ».
Optimal Solutions en tant qu’ESCO se doit donc de proposer une solution pour apporter de la fiabilité dans le suivi des engagements, et de sécuriser les deux parties, gage de sérénité sur la durée du contrat.
Le suivi des consommations d’électricité de façon détaillée, sans pour autant reprendre intégralement les tableaux électriques ou poser de multiples compteurs physiques, est possible grâce à la technologie NILM (Non intrusive Load Monitoring).
2. Une opportunité liée à une innovatin technologique - NILM
La technologie NILM (Non Intrusive Load Monitoring) permet de répondre à cette contrainte avec :
- Une solution non intrusive ;
- Une limitation des coûts de comptage (comptage virtuel) en lieu et place de multiples sous compteurs électriques ;
- Quelques pinces ampérométriques et un analyseur sont seulement nécessaires générant un temps d’installation très court.
Signal et harmonique - Sources: Qualisteo
La technologie se base sur l’analyse du signal électrique. Tout équipement électrique induit un signal sur le réseau électrique du bâtiment qui lui est propre. Le signal est défini par :
- une variation d’amplitude du courant qui sera liée à la puissance de l’appareil;
- un déphasage du courant par rapport à la tension, (sauf dans le cas d’une résistance pure);
- l’apparition d’harmoniques (dans le cas de systèmes non linéaires).
Les avantages sont donc nombreux :
- Economies de comptage
- Pas de rupture de service pendant l’installation
- Identification gisements économies
- Suivi des consommations par usage pour documenter la référence.
- Anticipation des dérives (modélisation statistique fine, prédictif) et suivi du bon fonctionnement et régulation des équipements (plages horaires, VEV...)
- À terme, la maintenance prédictive des équipements semblent également possible.
Quelques entreprises en France se partagent le marché du comptage « intelligent » (Qualisteo, SmartImpulse, etc...).
3. Études de cas - CPE 9 lycées en Rhône Alpes
Afin d’améliorer la performance énergétique de son parc immobilier, plus particulièrement sur 9 lycées, la région Rhône Alpes a mise en place un CPE.
Dans le cadre de cet appel d’offre, Optimal Solutions, fort de son expérience en CPE, a proposé une réponse pragmatique pour gagner le marché en groupement avec Dalkia.
Au sein de ces lycées, certains usages ne sont pas liés à la gestion des installations techniques mais à l’utilisation des usagers (ex : usages électrique non réglementaire). C’est pourquoi il a été mise en place un plan d’action pour sécuriser la performance énergétique tout en gardant une approche IPMVP.
3.1 Quelques chiffres
Nous nous engageons sur la rénovation énergétique de 9 lycées impliquant :
- + de 40% d’économies d’énergie (Ep);
- + de 42% d’économies de CO2;
- + de 22% d’énergies renouvelables;
- des performances garanties sur 10 ans.
3.2 Méthode utilisée
L’ajustement des consommations associées au suivi de facteurs statiques constitue un cas particulier d’ajustement non périodique aux conditions fixes, effectué lorsqu’une variation des consommations de ce périmètre est détectée traduisant ainsi une variation de facteurs statiques.
Cet ajustement constitue une normalisation partielle des consommations du périmètre associé au suivi de facteurs statiques en considérant les facteurs statiques associés à des consommations fixes et définis lors de la période de référence.
Cet ajustement est alors effectué en prenant en compte des variables indépendantes (DJU, Occupation) mais en fixant les facteurs statiques spécifiques aux consommations de ce périmètre aux conditions de référence.
L’objectif est ainsi de se ramener dans les situations et habitudes des occupants constatées lors de la période de référence. Les situations suivantes seraient par exemple prises en compte par ce processus :
- Lorsque les consommations de la cuisine seraient amenées à évoluer indépendamment des variables périodiques DJU et occupation : exemple : changement de mode de cuisson décidé par l’utilisateur.
- Lorsque les consommations de chauffage des logements seraient amenées à évoluer indépendamment des variables périodiques DJU et occupation : ex : changement de température de consigne intérieure décidé par l’occupant.
- Lorsque les consommations électriques informatiques seraient amenées à évoluer indépendamment des variables périodiques DJU et occupation : exemple : changement de méthode pédagogique décidé par l’utilisateur.
Chaque année, nous procédons à l’ajustement des évolutions des consommations du périmètre concerné de la manière suivante :
- Prédiction des consommations « Facteurs statiques » grâce aux modèles établis
- Etablissement de la différence de consommations entre la prédiction et la valeur mesurée
- Si cette différence est comprise dans l’intervalle d’incertitude du modèle, aucun ajustement.
- Si cette différence est non comprise dans l’intervalle d’incertitude, l’ajustement consiste alors à considérer la valeur prédite dans les calculs de performances et non la valeur mesurée.
3.3 Utilisation des données pour la création de modèles statiques
Comme décrit ci-dessus, après l’attribution du marché les sites sont instrumentés en technologie NILM afin de compter les usages électriques non réglementaire. Après un an de comptage, nous réalisons les modèles qui nous permettent de fixer le tunnel d’évolution des facteurs statiques.
Analyse statistique:
Corrélation et formules d’ajustement : 10,82*DJU + 1355,89*12
Variable : DJU avec test stat t = 7,45
R² = 0,86 et CVrmse = 19%
Incertitude globale : 12% avec un niveau de confiance de 90%
Ainsi, tant que la valeur mesurée sera comprise entre plus ou moins 6% de la valeur moyenne de 45 675 kWh EF aucun ajustement n’est donc réalisé.
4. Perspectives
Les avancées apportées par le NILM sont donc indéniables et se concrétisent par les applications suivantes:
- monitorer précisément les équipements électriques afin de maximiser la maitrise énergétique de son parc immobilier ou de son process industriel;
- s’implémenter parfaitement dans des missions de Recommissioning ou de Retrocommissioning pour réaliser des gains conséquents sur la consommation électrique induisant une valorisation monétaire conséquente (lié au cout relativement élevé de l’électricité);
- fiabiliser une référence électrique afin de préparer l’appel d’offre d’un CPE ou de sécuriser les deux parties (Maitres d’Ouvrages et Titulaires) sur le suivi des Contrats de Performance énergétique.
Le comptage intelligent NILM permet également d’ouvrir de nouveaux horizons vers la M&V 2.0, sur la réalisation de modèles statistiques au pas horaire ou encore de poser la première pierre d’une maintenance prédictive.
(*) Les auteurs travaillent pour Dalkia Smart Building à Paris.